Le premier workshop de la chaire est une beau succès. Nous remercions nos intervenants pour leurs présentations enrichissantes et qui nourriront les réflexions de la chaire sur une éthique applicable en IA.
Les vidéos sont disponibles ci-dessous, pour celles et ceux qui veulent les voir ou revoir. Bon visionnage.
Introduction
Mot d’ouverture du premier workshop de la chaire IA Responsable, par sa directrice: Nathalie Nevejans.
De la règle à la pratique, de la morale aux éthiques
L’éthique est aujourd’hui à la mode. Bien souvent convoquée pour rassurer ou s’extraire du droit, cette branche de la philosophie est devenue un outil de marketing et de communication politique. D’éthique le discours est devenu « cosm-éthique » avec pour seul ambition de créer artificiellement de la confiance. Pour autant, l’exercice montre ses limites avec la multiplication des codes d’éthiques appliquée à l’IA et notre incapacité à réguler cette technologie. Il est désormais plus que nécessaire de ramener l’éthique à son domaine qu’est la philosophie avec Paul Ricoeur pour en saisir la complexité, avec George Simondon pour en appréhender les risques, avec Hans Jonas pour questionner notre responsabilité. Bien au-delà, dans un monde globalisé, il devient urgent d’ouvrir le débat à d’autres perspectives venant de philosophies et de sagesses non occidentales.
Emmanuel Goffi. Philosophe, éthicien de l’IA, Co-Directeur du Global AI Ethics Institute
Les sources non humaines de la morale : ce que nous apprennent les animaux
Dalila Bovet, Éthologue, Professeur à l’université Paris Nanterre, UFR Sciences Psychologiques et Sciences de l’Education (SPSE), Laboratoire Ethologie Cognition Développement (LECD)
Traditionnellement, la morale est considérée comme un phénomène purement humain et culturel, opposé aux instincts des animaux censés s’affronter selon la « loi de la jungle ». Cependant, depuis une vingtaine d’années, de plus en plus de chercheurs abordent les origines de la morale dans une perspective évolutive. Nous nous inspirerons notamment des recherches de Frans de Waal selon lequel la morale repose sur quatre « blocs de construction » que l’on trouve aussi chez des animaux non humains, en particulier chez les primates : l’empathie, les normes sociales, la réciprocité, et enfin le souci de la communauté et de la bonne entente au sein de celle-ci. Nous étudierons ainsi dans quelle mesure la morale est basée sur des émotions et des comportements sociaux communs à différentes espèces et favorisés par la sélection naturelle.
L’éthique en santé : pourquoi, comment, et pour… quoi ?
Les progrès technico-scientifiques, l’évolution de l’offre et de la demande en soins dans un contexte de raréfaction des ressources, mais aussi les crises sanitaires, engendrent des conflits de valeurs déstabilisant les pratiques soignantes. L’éthique apparaît désormais comme un critère d’évaluation normative des établissements de santé et médico-sociaux. Outre l’obligation institutionnelle, l’éthique s’émancipe d’une approche médico-centrée pour offrir des perspectives porteuses de sens aux professionnels de santé et aux usagers.
Jérôme Zimowski, Infirmier, Cadre de santé formateur, Croix-Rouge française, Institut Régional de Formation Sanitaire et Sociale (IRFSS) des Hauts-de-France, Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) de Lens
Prémices et évolution de l’éthique d’entreprise
Isabelle Bufflier, SKEMA Business School, Responsable du Master Management & Droit des affaires, Professeure associée en Droit et Ethique des affaires, Membre de l’Académie Digitale, Membre du Centre de recherches PRISM
L’essor récent de la responsabilité sociale des entreprises traduit l’idée que l’entreprise doit intégrer une dimension éthique, particulièrement en matière sociale et environnementale. Les normes traduisant ce concept d’entreprise citoyenne, au départ de droit souple, se sont progressivement durcies, imposant aux grandes entreprises une série de démarches préventives contraignantes. Pourtant, la recherche d’une éthique d’entreprise volontaire, catalysée par une gouvernance responsable, a le mérite certain, en étant plus authentique, d’avoir une force de conviction plus puissante et de permettre d’inscrire un nouveau modèle économique au cœur même de l’écosystème entrepreneurial. Toutefois, cette démarche éthique, pour avoir un impact positif, se doit d’irriguer l’entreprise dans toutes ses composantes et ses parties prenantes.
Quelle éthique, pour quelle IA ?
Cette intervention proposera dans un premier temps une cartographie du paysage de la philosophie morale et de ses théories, en prenant soin de distinguer la métaéthique, de l’éthique normative et de l’éthique appliquée. En interrogeant ensuite la question des relations entre l’éthique et l’intelligence artificielle, nous nous intéresserons aux mœurs dominantes, pratiques et habitus, qui se sont imposés cette dernière décennie dans nos manières de faire de l’éthique du numérique et de l’IA dans nos démocraties occidentales. Nous nous demanderons si ces pratiques, telles qu’elles semblent aujourd’hui cristallisées en une configuration précise, constituent une réponse suffisante, et suffisamment satisfaisante, à nos besoins d’éthique en matière d’IA. Nous terminerons cette intervention en réfléchissant aux raisons pour lesquelles sans une éthique humaine de l’IA, une IA éthique nous semble impossible, en un sens spécifique que nous tâcherons de préciser.
David Doat, Maître de conférences en philosophie à ETHICS, EA 7446, Titulaire de la Chaire ETH+ Éthique, Technologie et Transhumanismes
Table ronde – Questions / Réponse